L’interview du président Bachar al-Assad à la chaîne russe Zvezda

Damas-SANA / La journaliste : Monsieur le président, merci beaucoup de nous avoir donné cette occasion et d’avoir accepté de nous rencontrer. Nous sommes ici en Syrie à l’occasion du cinquième anniversaire du début des opérations militaires russes sur le territoire de votre pays. L’opération qui est venue aider à libérer la Syrie du terrorisme.

 

Le président Assad: Bienvenue en Syrie, je suis très heureux de vous recevoir aujourd’hui et de mener cette interview avec votre prestigieuse chaîne.

 

La première question:

Monsieur le président, si nous revenons aux événements depuis cinq ans, comment décririez-vous aujourd’hui la situation qui était en 2015? Aviez-vous de l’espoir d’obtenir une aide étrangère?

 

Le président Assad:

Si je voulais raccourcir la situation à ce moment-là, je peux dire que c’était très dangereux. Les terroristes avançaient dans différentes régions de Syrie, et ils occupaient des villes avec le soutien direct des Etats-Unis, de la France, de la Grande-Bretagne, du Qatar, de l’Arabie saoudite. A ajouter le soutien indirect des pays occidentaux ou du groupe occidental en général. La situation dangereuse en Syrie avait fait l’objet de discussions entre nous et les dirigeants militaires et politiques russes, en particulier après l’avènement de Daech en 2014 et son occupation de vastes zones du désert syrien, et nous espérions bien sûr qu’il y aurait une assistance pour plusieurs raisons. La première raison est que la position politique de la Syrie est importante, et par conséquent, tout défaut dans cette région se propagera dans toute la région du Moyen-Orient et se reflétera dans d’autres régions. L’autre raison est que le terrorisme que la Syrie combattait était le même terrorisme qui avait kidnappé les enfants de l’école de Beslan en 2004, et le même terrorisme qui était entré sur le théâtre et avait tué des innocents. Il s’agit donc d’un terrorisme mondial. Premièrement, il est dans l’intérêt de la Russie de frapper ce terrorisme en Syrie, et deuxièmement de sauvegarder cette stabilité, qui peut affecter les intérêts d’autres pays, y compris les intérêts de la Russie.

La deuxième question:

Si nous comparons la situation il y a cinq ans avec la situation actuelle … comment évaluez-vous ce que fait la Russie et le rôle du ministère de la Défense?

 

Le président al-Assad:

Sans doute, l’armée russe est très avancée de point de vue technique, et cela a été clairement prouvé et démontré par la guerre. D’autre part, l’armée russe est  professionnelle dans tous les sens du terme, qui fixe les objectifs avec précision, et va avec détermination à les mettre en œuvre, mais si je voulais décrire les militaires russes avec lesquels nous avons traité directement à différents niveaux, officiers ou individus, ils travailleraient sans arrêt. Par exemple, en ce qui concerne les pilotes russes, quand les combats s’intensifiaient, les sorties commençaient à 3 heures du matin, avant le lever du soleil, et parfois elles ne s’arrêtaient qu’après minuit. Ils n’avaient pas le temps de se calmer, et bien sûr l’armée russe a fait des sacrifices sur le sol syrien et consenti des martyrs.

Quant au ministère de la Défense, qui parraine ces combattants et qui est de nature militaire et politique, il a fait preuve d’une grande crédibilité, et il aurait été difficile de mener à bien ces tâches militaires conjointement entre les deux armées sans la grande crédibilité dont avait fait preuve le ministère russe de la Défense grâce à une grande transparence, clarté et honnêteté. Il s’agit d’un résumé quinquennal de l’impression de nombreux soldats syriens de traiter avec leurs collègues militaires russes.

Je voudrais ajouter ici un point: le citoyen russe est toujours très fier de son armée, mais après ces batailles, il a le droit d’être plus fier de ses grandes réalisations.

 

La troisième question:

Merci beaucoup, merci pour ces mots, nous continuons donc à parler de la question de la coopération conjointe entre les armées russe et syrienne, étant donné que nous avons parlé de ce sujet, l’armée syrienne a également beaucoup changé au cours des cinq dernières années, quelles sont les expériences que les experts et l’armée syrienne avaient acquises grâce à leur interaction avec l’armée et le ministère russes de la Défense?

 

Le président Assad:

Il ne fait aucun doute que l’armée russe a des expériences et nous avons des expériences qui peuvent être différentes. Nous avons des expériences dans la lutte contre le terrorisme dans la seconde moitié des années 70, qui avait duré jusqu’au début des années 80. C’était aussi un conflit avec des groupes terroristes extrémistes, mais cette guerre était plus proche de la guerre tchétchène du point de vue de soutien extérieur et qu’ils mènent une guerre face à moins qu’une armée mais plus que des cellules dormantes, mais il ne fait aucun doute que rassembler deux grandes expériences avait eu un grand impact, en particulier pour nous en Syrie.

 

La quatrième question:

Vous savez au bout du compte qu’il y a des similitudes entre nos deux pays dans de nombreux domaines, car en Syrie les intérêts de différents pays se sont toujours croisés pendant de nombreux siècles et aussi la Russie tout au long de son histoire a mené de nombreuses guerres, nous n’avons pas commencé une guerre, l’ennemi est celui qui est venu vers nous. Etant donné que vous avez abordé ce sujet, notre pays célèbre cette année le 75ème anniversaire de la victoire dans la Grande Guerre patriotique, et dans cette terrible guerre le tournant était la bataille pour Stalingrad, après quoi l’offensive a commencé vers l’Ouest, nous avons pu expulser (désolée pour cette expression) les fascistes de notre pays. Pouvons-nous comparer cela avec ce qui est arrivé au peuple syrien, la bataille pour la libération d’Alep? Qu’ils appellent souvent le Stalingrad Syrien. Quel est l’impact de la libération d’Alep sur le processus de libération de la Syrie du terrorisme?

 

Le président al-Assad:

Vous parlez d’un détail très important de la guerre syrienne, qui est la bataille d’Alep, et la comparaison que vous faites existe chez les citoyens syriens, étant donné qu’Alep avait été assiégée pendant plus de deux ans, et la plupart du temps c’était un siège complet, et s’il y avait une possibilité de faire entrer des denrées alimentaires ou des besoins de base, cela se faisait via des passages sous les frappes des terroristes. Sans la fermeté du peuple d’Alep, l’armée n’aurait pas été en mesure de se préparer à une bataille majeure. Par coïncidence, l’autre comparaison est que l’armée de Stalingrad s’était dirigée à l’ouest jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et à Alep aussi l’armée s’est déplacée vers l’ouest, et la poursuite de la libération vers Idleb doit se faire à l’ouest. La comparaison que vous avez posée est correcte.

 

La cinquième question:

Cette bataille a entraîné de grandes dimensions pour la Syrie, ainsi que de lourdes pertes. Cette bataille a eu un rôle fatidique en changeant le cours des événements. Monsieur le président, en vertu de l’accord signé entre la Russie et la Syrie sur le sol de votre pays, il existe sur le territoire de votre pays deux bases militaires russes, à savoir Hmeimim et Tartous, à votre avis, quel est le rôle que ces deux bases joueront aujourd’hui et à l’avenir dans la sécurité de la Syrie?

 

Le président al-Assad:

Le rôle militaire russe en Syrie, en particulier les bases, part de deux points, le premier est la lutte contre le terrorisme, que nous appelons le terrorisme international qui se terminera un jour, ou disons qu’il s’affaiblira à la suite des batailles en cours pour l’éliminer. Que se passe-t-il après ce terrorisme? Il y a un autre point, à savoir le rôle de la Russie dans le monde. Aujourd’hui, nous vivons dans une jungle internationale et non pas sous l’ombrelle du droit international. La raison de cette forêt est que pendant un quart de siècle il n’y a pas eu d’équilibre international. Cet équilibre international nécessite le rôle de la Russie, politiquement dans les organisations internationales et du point de vue militaire, il doit y avoir des bases.

Sixième question:

Monsieur le président, parlons de ceux qui transgressent et ignorent toujours le droit international, vous savez de qui je parle, vous êtes le président élu de la République arabe syrienne, vous avez mené la guerre contre le terrorisme, la loi est de votre côté, le peuple est derrière vous, et pourtant nous entendons constamment de mauvaises déclarations de certains dirigeants occidentaux, par exemple «Assad doit partir», on se souvient bien comment Barack Obama en a parlé, et malheureusement Donald Trump répète aujourd’hui la même chose. Récemment, un livre a été publié en Amérique (Peur : Trump à la Maison Blanche) par le célèbre journaliste américain Bob Woodward, il confirme qu’en 2017, après les frappes de missiles sur la Syrie, Trump a exigé votre assassinat et il cite: « Assassinons-le, tuons-les tous. » Comment commentez-vous cela?

 

Le président al-Assad:

Premièrement, en ce qui concerne les déclarations qui mentionnaient toujours la nécessité du départ du président, les Etats-Unis avaient des présidents – disons qu’ils sont leurs agents, et quand leur rôle se termine, ils leur ont dit: allez, ils sont habitués à cette chose. Donc toutes les déclarations ne nous concernent pas du tout et ne nous dérangent pas, C’est une déclaration américaine aux Américains.

 

Septième question:

La sous-estimation occidentale, qui pourrait parfois être impolie, n’est-elle pas vous excite?

 

Le président al-Assad:

Non, parce que c’est trop peu pour que la personne se soucie, et je vais vous dire pourquoi … Si nous revenons aux récentes déclarations de Trump mentionnées dans le livre susmentionné, ce n’est pas quelque chose de surprenant, ni de nouveau, car la politique américaine depuis la guerre froide et la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui est une politique d’hégémonie, c’est une politique de coups d’État, une politique d’assassinats et de guerres. C’est une chose naturelle … Trump est une personne honnête qui dit: «C’est ce que nous faisons.» Même si Trump ne dit pas cela, nous devons savoir que cela fait partie de la politique et de la réflexion des Etats-Unis qui n’acceptent pas de partenaires dans le monde et donc n’acceptent pas les pays indépendants, y compris l’Occident. L’Occident est subordonné aux Etats-Unis qui n’acceptent pas une personne indépendante et n’acceptent pas un État indépendant. Ils n’acceptent même pas la Russie, qui est une superpuissance, d’être indépendante. Ils ne vous acceptent pas dans l’histoire et vous savez qu’ils rejettent votre rôle dans l’élimination du nazisme, comme si la Russie n’avait aucun rôle dans l’élimination de cela. S’ils n’acceptaient pas la Russie dans l’histoire, l’accepteraient-ils dans le présent? S’ils n’acceptaient pas le grand Etat, à savoir la Russie comme Etat indépendant, pourraient-ils accepter le petit pays la Syrie comme un Etat indépendant? C’est le problème des Américains. Ils n’acceptent qu’aucune personne travaille dans l’intérêt de son pays ou qu’elle soit indépendante dans sa décision nationale.

Huitième question :

Oui, c’est un autre point de similitude entre nos deux pays. Parlons du processus d’amnistie pour les militants, comment se déroule le processus de réconciliation entre les parties opposées? En juillet, les élections parlementaires avaient eu lieu en Syrie, au cours desquelles la coalition au pouvoir a gagné, et nous vous en félicitons, mais il est clair que le problème de l’opposition existe toujours. Comment ce processus se déroule-t-il actuellement? Qu’y a-t-il de nouveau à propos du Comité chargé de discuter de la constitution? Quel est le rôle des médiateurs internationaux dans ce processus? Le rôle des Nations Unies? Quel est le rôle de la Russie? En qui faites-vous confiance personnellement dans ce processus?

 

Le président al-Assad:

Quant aux négociations, la Russie et l’Iran jouent un rôle important pour soutenir et pousser de l’avant ces négociations afin d’aboutir à quelque chose, même partiellement, car les négociations prendront beaucoup de temps. Mais parlons franchement … quand nous parlons d’une autre partie, la soi-disant «opposition », et vous avez une opposition dans votre pays, l’une des conditions pour l’opposition est qu’elle soit patriotique, qu’elle soit du peuple russe et en fait partie, mais vous, en tant que citoyen russe, quand vous savez que telle ou telle opposition est associée à un service de renseignement étranger, vous ne l’appelez donc pas un opposant, car l’opposition est liée au patriotisme.

Quant à ce qui se passe dans les négociations, il y a une partie que le gouvernement syrien soutient parce qu’elle exprime son point de vue, mais il y a une autre partie choisie par la Turquie, et ce n’est pas une partie syrienne. La Turquie et ceux qui sont derrière elle, les Etats-Unis et d’autres n’ont aucun intérêt maintenant à atteindre de vrais résultats issus du comité, car les choses qu’ils demandent conduisent à l’affaiblissement et au démantèlement de l’Etat, comme cela se produit dans diverses autres régions dans lesquelles les Etats-Unis interviennent et élaborent une constitution qui conduit à des troubles et au chaos au lieu de la stabilité. Nous n’acceptons pas cette chose et nous ne négocions pas des choses qui affectent la stabilité de la Syrie. Par conséquent, si nous voulons vraiment que ces négociations aboutissent, il est impératif que tous reviennent à ce que veut le peuple syrien. Je crois que les prochains rounds révéleront davantage la vérité de ces questions. Ainsi, si le dialogue sera syro-syrien les négociations réussiront, et tant qu’il y aura une ingérence extérieure, les négociations ne pourront pas aboutir.

Neuvième question :

Je voudrais vous poser un certain nombre de questions personnelles qui, d’une manière ou d’une autre, ont à voir avec le passé, dites-nous s’il vous plaît, avez-vous pensé pendant toutes les horreurs de la guerre dans votre pays que vous êtes entre la vie et la mort? Avez-vous pensé à cela à un moment donné?

 

Le président al-Assad:

Si vous étiez venue à Damas avant l’année 2018, par exemple, nous serions assis à cet endroit et des obus tombaient autour de nous de temps en temps … la probabilité de décès était pour tout citoyen … pour quiconque se déplace à pied, en bus, en voiture, allant au travail. C’était une possibilité qui existait pendant la guerre. Mais je pense qu’un être humain par nature fait face à cette condition. Dans n’importe quel pays et n’importe où dans le monde, la personne s’adapte aux circonstances. Donc la vie a continué à Damas, et personnellement j’allais travailler tous les jours. Je ne m’arrêtais à aucun moment et sous les obus, il n’y avait pas d’autre choix … Les gens ne pouvaient pas se cacher, sinon les terroristes auraient atteint leurs objectifs. Le point de force est que la vie a continué, donc je ne pense pas qu’avec le temps vous pensez à cette chose, cela devienne peut-être quelque chose dans l’esprit subconscient mais ne fait pas partie de votre pensée quotidienne, cela devient quelque chose à laquelle vous êtes habituée.

 

Dixième question:

Votre vie aujourd’hui en tant que chef d’Etat menant la guerre contre le terrorisme, est-ce la vie dont vous rêviez à une époque où vous aviez un autre style de vie?

 

Le président al-Assad :

Ce terrorisme nous frappe depuis les années 50 et pas récemment, et à chaque étape qu’il a franchie il a développé ses méthodes. Dans les années 50, il créait une sorte de chaos, mais il n’était pas armé. Dans les années soixante, il s’est tourné vers les armes. Dans les années 70 et 80, il s’est organisé, et maintenant cette terreur elle-même a des tactiques et un soutien politique, et les pays et les grandes banques la soutiennent.

Donc, notre destin avec le terrorisme est un destin avant ma naissance et avant que la plupart des Syriens ne soient nés maintenant, il doit rester dans notre pensée, car même si nous avons vaincu cette terreur, nous devons penser qu’elle peut revenir. Nous devons penser de manière réaliste que cette chose, même si elle a été éliminée, peut apparaître plus tard sous d’autres formes, donc pour nous, la bataille est celle de l’idéologie terroriste avant qu’elle ne soit avec les terroristes en tant que personnes, car lorsque cette idéologie se terminera, il n’y aura pas d’outils pour l’Occident et les ennemis de la Syrie pour la relancer.

 

La journaliste:

Pensez-vous que oui?

 

Le président Assad:

Je pense que oui, parce que l’Occident ne changera pas dans la mesure prévisible, c’est d’une part. D’autre part, la guerre intellectuelle est plus difficile que la guerre militaire, et il faut beaucoup de temps pour réhabiliter les nouvelles générations avec une pensée correcte, avec une pensée non extrémiste, avec une pensée non fanatique et un esprit ouvert.

 

La journaliste:

Nous espérons pour le mieux qu’avec l’aide de Dieu et avec un esprit ouvert, nous réussirons ensemble. Merci beaucoup, Monsieur le président, pour votre rencontre avec nous et pour le temps que vous avez consacré à répondre à nos questions. Permettez-nous de vous souhaiter, à vous et à votre famille, avant tout, santé, bonté et paix pour la Syrie. Merci.

 

Le président al-Assad:

Merci, et je voudrais profiter de cette occasion pour envoyer, à travers ce programme, mes salutations aux familles des combattants russes en Syrie. Comme je l’ai dit au début, le peuple russe est fier de ce que son armée a fait en Syrie, mais ces familles ont sûrement le droit d’être plus fières que tout autre citoyen pour les grandes réalisations accomplies en Syrie par leurs fils qui ont protégé non seulement le peuple syrien, mais aussi leurs familles et leurs citoyens russes.

 

Raghda Bittar

 

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