Banlieue de Damas, (SANA) – Saydnaya, ville ancienne perchée sur les hauteurs au nord-ouest de Damas, porte une identité singulière façonnée par la sacralité chrétienne et une longue tradition de vie commune entre différentes confessions. En son centre se dresse le monastère de Notre-Dame de Saydnaya, qui abrite l’une des icônes mariales les plus célèbres du christianisme oriental. Mais le nom de la ville a également été associé à l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire contemporaine syrienne, à travers la prison de Saydnaya, devenue un symbole de répression et de souffrance sous le régime d’al-Assad.
Saydnaya : repères historiques et spirituels

Saydnaya est considérée comme l’un des plus anciens centres chrétiens de la région. Selon la tradition, le monastère de Notre-Dame de Saydnaya aurait été fondé en 547 par l’empereur byzantin Justinien. Il abrite une icône sacrée de la Vierge Marie, attribuée, selon la tradition chrétienne, à saint Luc l’Évangéliste. Cette dimension spirituelle a fait de Saydnaya un haut lieu de pèlerinage chrétien depuis des siècles.
L’icône de la Vierge et sa place dans la vie religieuse

L’icône conservée dans le monastère occupe une place centrale dans la dévotion populaire. Elle est exposée selon des rites précis, dans un sanctuaire spécifique, et de nombreux croyants lui attribuent des grâces et des guérisons. Des ex-voto et des objets votifs témoignent de la ferveur des pèlerins. Le monastère reste un lieu vivant, marqué par des célébrations religieuses majeures, notamment lors des fêtes mariales, attirant des visiteurs venus de Syrie et de l’étranger.
Coexistence entre chrétiens et musulmans à Saydnaya
Malgré les bouleversements politiques et sécuritaires qu’a connus la Syrie, Saydnaya a longtemps été un exemple de coexistence religieuse. Le monastère et son icône ont été respectés non seulement par les chrétiens, mais aussi par de nombreux musulmans, qui visitaient le lieu par tradition ou par respect spirituel. Des témoignages locaux évoquent des relations de voisinage fondées sur l’entraide et la solidarité, y compris durant les périodes les plus difficiles du conflit.
La prison de Saydnaya : symbole de l’horreur et de la répression

À l’opposé de cette image spirituelle, le nom de Saydnaya est devenu tristement célèbre à cause de la prison militaire construite et exploitée par le régime déchu. De nombreux rapports d’organisations internationales de défense des droits humains ont documenté des pratiques systématiques de torture, de détention arbitraire, de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires. Des milliers de détenus y auraient perdu la vie, faisant de la prison de Saydnaya l’un des symboles les plus redoutés de la répression d’État en Syrie.
Conséquences humaines et appels à la justice
Les violations commises dans la prison de Saydnaya ont suscité des appels internationaux à la responsabilité pénale et à la justice. Des enquêtes indépendantes se sont appuyées sur les témoignages d’anciens détenus, de familles de victimes et d’anciens employés, afin d’établir la réalité des crimes commis. Ces démarches ont renforcé les demandes de poursuites judiciaires contre les responsables de ces abus.
Les sentiments des habitants après la libération des détenus et la chute du régime
Les annonces de libération de prisonniers et les changements politiques marquants ont provoqué des réactions contrastées parmi les habitants de Saydnaya. Beaucoup ont exprimé un profond soulagement et une joie mêlée de douleur en retrouvant leurs proches, tandis que d’autres ont ressenti une tristesse immense face aux souffrances endurées et aux pertes irréparables. Un sentiment collectif s’est dégagé : celui de vouloir tourner la page de la peur, tout en exigeant vérité, justice et reconnaissance des victimes.
Entre sacralité et mémoire
Saydnaya demeure une ville à la mémoire contrastée : lieu de foi et de pèlerinage profondément enraciné dans l’histoire chrétienne d’Orient, mais aussi témoin d’un passé récent marqué par la souffrance et l’injustice. Son avenir dépendra de sa capacité à préserver son héritage spirituel, tout en affrontant honnêtement les blessures du passé par la justice, la reconnaissance et la guérison collective.



André Chatta