Paris-Le Monde / L’entreprise fondée par Sam Altman a pour ChatGPT des ambitions bien plus larges que pour un simple chatbot, ou robot conversationnel, auquel on pose des questions, explique Alexandre Piquard dans sa chronique.
« Les gens plus âgés utilisent ChatGPT comme un remplaçant de Google, les gens dans la vingtaine ou la trentaine l’utilisent comme un conseiller de vie mais les étudiants l’utilisent comme un environnement informatique. » Ainsi a été résumé l’usage du service d’OpenAI par son fondateur Sam Altman, lors d’une conférence du fonds Sequoia Capital, en mai. La phrase trahit le fait qu’OpenAI rêve de faire de ChatGPT un environnement informatique autonome.
Selon un reportage qu’il a publié aujourd’hui, le journal français « Le Monde » s’est interrogé : le service peut-il réellement être l’équivalent d’iOS d’Apple ou d’Android de Google sur les smartphones, ou de Windows ou MacOS sur les ordinateurs ? Le parallèle a bien sûr ses limites. M. Altman a lui-même admis que son descriptif générationnel était une « simplification ». Et le propos est en partie marketing. Mais il illustre en tout cas le fait qu’OpenAI a pour ChatGPT des ambitions bien plus larges que pour un simple chatbot, ou robot conversationnel, auquel on pose des questions.
OpenAI espère pouvoir offrir une porte d’entrée vers le Web, voire vers l’ensemble des services numériques, notamment par le biais de ChatGPT, qui compte 800 millions d’utilisateurs hebdomadaires et en vise 2 milliards en 2029, selon The Information. En octobre, l’entreprise a lancé son propre navigateur Internet, une sorte de concurrent de Chrome de Google et de Firefox, auquel ChatGPT est intégré. Surtout, OpenAI a annoncé la possibilité pour tous les éditeurs tiers d’applications et de services de les rendre disponibles dans ChatGPT. Les utilisateurs pourraient donc accéder par le service à Spotify (musique), Expedia (voyage), Booking (réservation d’hôtels), TheFork (réservation de restaurants), TripAdvisor (guide touristique), Instacart (courses en ligne) ou Uber (VTC) et à tous ceux qui rejoindront ces premiers partenaires.
Appel à la vigilance des Etats
Et de poursuivre : « Ce système fait penser aux « app stores », ces magasins d’applications qui ont fait la force des environnements mobiles d’Apple et de Google… d’autant plus qu’OpenAI a, en parallèle, rendu possible l’achat de produits en un clic dans ChatGPT, en prélevant au passage une commission, à l’instar des app stores et des places de marché comme Amazon ».
OpenAI va « intégrer » des applications comme Spotify ou Booking dans ChatGPT
OpenAI suit « le modèle Windows », a estimé Ben Thompson, le chroniqueur auteur de la newsletter « Stratechery ». « Les applications ne seront pas sur votre téléphone ou dans un navigateur, elles seront dans ChatGPT et, si elles n’y sont pas, elles n’existeront tout simplement pas pour ses utilisateurs », a-t-il anticipé. Bien sûr, cette prophétie n’est pas certaine. Ainsi Mark Zuckerberg avait-il rêvé de créer une « super app » contenant une grande quantité de services comme le chinois WeChat, en rassemblant Facebook, Instagram et WhatsApp, et il espère toujours faire de même avec ses lunettes connectées. OpenAI, pour sa part, affronte une rude concurrence, notamment de Google, qui maîtrise son chatbot, son moteur de recherche, son navigateur et son environnement mobile…
Et d’ajouter : « Mais la possible reconfiguration de l’écosystème numérique avec l’irruption des assistants d’intelligence artificielle (IA) est surveillée de près par les géants du numérique. Le 13 novembre, Apple a annoncé un changement de politique sur les « mini-apps », qui paieront une commission réduite à 15 % pour les ventes d’objets et de services numériques, mais seront invitées à utiliser le système de paiement d’Apple ».
Le Monde fait savoir que le changement émane d’un accord avec WeChat, qui hébergeait des milliers d’applications échappant au système de l’App Store d’Apple, mais les observateurs ont noté qu’il pourrait aussi concerner les applications dans ChatGPT…
OpenAI : les doutes s’accumulent sur le modèle économique de l’entreprise derrière ChatGPT
« Ces mouvements de plaques tectoniques numériques et l’ambition d’OpenAI devraient appeler les autorités de régulation et les Etats à la vigilance. ChatGPT et les assistants d’IA risquent de faire apparaître des atteintes à la concurrence, déjà reprochées ces dernières années aux environnements mobiles et aux places de marché : création d’une dépendance des développeurs, commissions contestées, favoritisme des services propres du propriétaire de la plateforme au détriment de ceux des éditeurs… Une raison de plus de maintenir la régulation du numérique européenne, au moment où celle-ci est contestée, notamment par l’administration du président américain, Donald Trump », a-t-il conclu.
A.Ch.