Damas,(SANA)– Dans son ouvrage « De Palmyre à Harvard : le parcours d’un prisonnier sans opinion », le docteur Baraa Al-Sarraj relate son témoignage humain sur sa détention pendant près de douze ans dans les prisons de Palmyre et de Saydnaya.
Ce livre est divisé en trois parties comprenant un récit chronologique, des discours, des documents et des photographies sur la prison.
Biographie et témoignage depuis la cellule
Le docteur Al-Sarraj a rédigé son livre dans une langue à la fois documentaire et littéraire, sans sombrer dans le désespoir ni minimiser la gravité des crimes commis par l’ancien régime contre les détenus.
Ce livre, publié hors de Syrie en 2016, réunit l’autobiographie et témoignage historique.
L’auteur explique que le temps de l’attente avait pris fin grâce à l’existence d’oreilles attentives et conscientes qui n’existaient pas auparavant.
Dans une allocation à SANA, al-Sarraj a dit : « L’intention d’écrire existait déjà lorsque j’étais à la prison de Palmyre. Après ma libération, j’ai déménagé aux États-Unis, j’ai attendu des années jusqu’à l’obtention de mon diplôme universitaire. Ma principale préoccupation était que personne de ma famille ou de mes proches en Syrie ne soit affecté. C’est pourquoi la publication a été retardée ».
Une vaste vague d’arrestations d’étudiants
Al-Sarraj a été arrêté dans le cadre d’une large campagne politique qui a touché des milliers d’étudiants universitaires. Il a passé neuf ans à Palmyre et trois ans à Saydnaya, dans un lieu où l’individu n’était pas interrogé sur son opinion mais traité comme un simple numéro dans un dossier sécuritaire.
Il a dit que la raison de mon arrestation fut l’accusation d’appartenir aux Frères musulmans à cause de ma prière dans une mosquée, accusation qui a touché des dizaines de milliers d’autres. »
Moment de l’arrestation et de la torture
Après son arrestation, Al-Sarraj fut transféré au centre d’interrogatoire de Hama.
Lorsqu’il demanda aux agents de l’ancien régime où ils l’emmenaient, la réponse fut : « Vers l’enfer ». Avec le temps, il comprit que cette description n’était pas une exagération : les tortures se déroulaient matin et soir, sous forme de coups répétés, d’évanouissements, de blessures et de privations alimentaires, en plus du manque de médicaments.
Transféré ensuite à Damas, il fit face à une terreur encore plus grande, comme si les tortionnaires accomplissaient une « tâche administrative ». À Saydnaya, les détenus étaient accueillis par de violents passages à tabac.
La famine jusqu’à la mort
Al-Sarraj souligne que les autorités pénitentiaires provoquaient volontairement des famines tous les deux ans, entraînant la mort des prisonniers par anémie et malnutrition. Souvent, un quart de pain était distribué à huit personnes et une seule tasse de thé à dix. Les médicaments vitaux, comme ceux contre la tuberculose, étaient délibérément supprimés, transformant la mort progressive en une composante du « régime alimentaire » de la prison.
Mécanismes de survie
Dans son livre, Al-Sarraj évoque les mécanismes de survie, notamment la récitation intérieure du Coran, dont il mémorisa de nombreux passages grâce à ses compagnons. La lecture du Coran, la prière et le jeûne étaient interdits. Il profitait également des connaissances variées des détenus, qui étaient pour la plupart des étudiants et des intellectuels.
Avec ses compagnons, il recourait à la comédie noire, organisant des pièces satiriques dans les dortoirs, imitant les agents de sécurité et les officiers de prison.
L’utilisation du langage quotidien et de l’ironie permettait de provoquer un rire collectif, même pendant les repas, renforçant ainsi la capacité de résistance.
Une mémoire d’acier
Al-Sarraj explique que sa mémoire d’acier, qui lui permit de restituer dans son livre les tortures, exécutions, noms et dates vécus durant douze ans, provient du fait que l’esprit devient extrêmement lucide lorsqu’on est proche de la mort.
Al-Sarraj regardait toujours la porte de la prison en disant : « Je sortirai malgré toi ». Après sa libération et son départ à l’étranger, il poursuivit ses études et obtint un doctorat en immunologie, avec une spécialisation en biologie et en chimie à l’université Harvard. Il travailla ensuite comme chercheur dans des universités américaines. Pour lui, la meilleure réponse au régime déchu est d’avoir atteint une position scientifique reconnue.
Son message
Quant à son message à la société syrienne et au monde, il déclare : « On peut parler des tragédies et des tortures, mais l’essentiel est de sortir de la position de victime pour devenir acteur. Je me considère comme un homme productif dans sa communauté, capable d’aider les autres plutôt que d’attendre leur aide. »
Al-Sarraj affirme que le prisonnier a besoin avant tout d’un effort collectif. Chaque famille doit prendre soin de son détenu, et chaque ville doit veiller sur ses citoyens, en particulier ses filles. La tragédie est double pour les prisonnières, ce qui rend le besoin de les soutenir encore plus urgent.
L’ouvrage « De Palmyre à Harvard », dans sa première édition en Syrie publiée par Dar Al-Fikr en 2025, compte 388 pages. Il constitue un témoignage vivant documentant les tragédies des prisons syriennes, mettant en lumière la force de la volonté humaine face à l’injustice et soulignant l’importance de la documentation pour les nouvelles générations en tant qu’outil de mémoire collective.
Ib.I /R.B