Paris-La Libération / Malgré quelques signaux encourageants, les rejets de dioxyde de carbone liés au pétrole, au gaz et au charbon ont encore crû cette année à l’échelle planétaire, dévoile une étude internationale prépubliée ce jeudi 13 novembre.
Selon un reportage publié par le journal français « La Libération », il y a deux ans, lors de la COP28 à Dubaï, la communauté internationale s’était engagée à une «sortie progressive des énergies fossiles». Mais les Etats peinent à se sevrer de leur addiction, dans un contexte géopolitique houleux.
Et d’ajouter : « Alors que la COP30 vient de débuter à Belém (Brésil), la tendance reste la même : les émissions de gaz, pétrole et charbon, qui représentent 90% du CO2 libéré par les activités humaines, continuent à atteindre des niveaux record. Elles devraient encore croître à un rythme soutenu de 1,1% en 2025, exactement comme en 2024, selon de premières estimations prépubliées ce jeudi 13 novembre sur le site de la revue Earth System Science Data. Ce travail s’inscrit dans le cadre du rapport annuel Global Carbon Budget, qui a réuni cette année une équipe multidisciplinaire de 130 chercheurs à travers le monde ».
«Dix ans se sont écoulés depuis l’adoption de l’Accord de Paris et, malgré les progrès réalisés sur de nombreux fronts, les émissions de CO2 fossile continuent leur augmentation inexorable», commente Glen Peters, chercheur au Center for International Climate Research (Cicero) et l’un des coauteurs de l’étude.
En conséquence, la planète poursuit son dangereux réchauffement et, il «n’est plus plausible» de demeurer sous la barre des +1,5°C, confirme le pilote de ce travail, Pierre Friedlingstein, directeur de recherche au CNRS, dont les propos font écho à ceux de nombreux scientifiques et de responsables onusiens.
Du mieux dans 35 pays
Le journal fait noter que le charbon reste le combustible dominant dans le monde et les émissions associées devraient encore augmenter de 0,8 % cette année. « Les rejets de dioxyde de carbone liés à l’aviation internationale n’arrangent pas les choses puisqu’ils dépassent désormais les niveaux pré-Covid, avec 6,8 % de hausse par rapport à 2024 », a précisé le journal.
Et de poursuivre : « Si le tableau global reste sombre, dans le détail, des progrès à l’échelle nationale sont à noter: 35 pays, responsables d’un quart des émissions de CO2 d’origine fossile, ont réussi à significativement amoindrir leurs rejets au cours de la dernière décennie. Ils n’étaient que 21 dix ans plus tôt. Le cas du Japon est par exemple encourageant: il poursuit sa tendance à la baisse en 2025 avec -2,2 %. «On observe de nombreux signes de progrès positifs au niveau national, avec une forte croissance dans les secteurs du solaire, de l’éolien, des véhicules électriques et des batteries, ainsi qu’une réduction de la déforestation», expose Glen Peters. Et de préciser que «ces changements ne suffisent pas à accélérer la transition mondiale vers la neutralité carbone». Car même si la décarbonation est à l’œuvre, elle ne parvient pas à compenser la croissance de la demande énergétique ».
Les Etats-Unis, aux mains de l’administration climatosceptique de Trump, et l’Union européenne plombent particulièrement les résultats cette année, avec respectivement +1,9 % et +0,4 % en 2025, alors que la tendance chez ces deux émetteurs historiques était à la baisse depuis au moins une décennie. Chez les Américains, «l’hiver très froid et le prix du gaz naturel très élevé ont conduit à produire un peu plus d’électricité avec du charbon», développe Philippe Ciais, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement ».
Dans ce contexte, les chercheurs surveillent particulièrement la Chine, plus grande émettrice mondiale (32 % des émissions actuelles). En 2025, le pays devrait voir sa courbe légèrement augmenter, de 0,4 %, une croissance plus lente qu’auparavant.
Les émissions semblent atteindre un plateau en raison d’une croissance modérée de la consommation d’énergie combinée à une forte croissance des énergies renouvelables. Il est peu probable mais pas exclu que cette année soit marquée par une légère baisse des émissions pour le pays.
Malgré tout, «aucun pic clair des émissions de CO2 d’origine fossile en Chine n’est prévu pour 2025», précise Jan Ivar Korsbakken, chercheur principal au Cicero, qui établit les projections d’émissions chinoises.
Ce pic côté Chinois est très attendu, car il contribuerait significativement à infléchir la courbe des émissions mondiales, avant d’atteindre ensuite l’objectif de neutralité carbone pour stabiliser la température sur Terre.
Autre nouvelle encourageante : l’Inde, deuxième poids lourd asiatique, devrait voir ses émissions grimper de 1,4 %, un taux qui reste élevé mais qui a fortement ralenti par rapport à l’année précédente (4 %), notamment grâce à la baisse de la consommation de charbon.
Les puits de carbone trinquent
Pour absorber une partie des émissions, l’humanité dispose de précieux alliés : les puits de carbone que sont les forêts et les océans. Le CO2 relâché en masse stimule la croissance de la végétation, qui est censée absorber des quantités toujours plus importantes de CO2 via la photosynthèse. Mais à cause du changement climatique, qui dérègle le cycle de l’eau, rend les canicules plus intenses et multiplie les conditions propices aux grands feux de forêt, ces formidables pompes à CO2 peinent à suivre le rythme. Des épisodes naturels tels qu’El Niño peuvent aussi avoir des effets ponctuels et ajoutent températures bouillantes et sécheresses, notamment dans les tropiques.
Selon le journal, l’étude révèle qu’au final, durant la dernière décennie, les puits de CO2, terrestres et océaniques, sont respectivement 25% et 7% moins efficaces qu’ils ne l’auraient été sans les effets du changement climatique. Au total, cela correspond à une baisse de 20% de leur capacité d’absorption. Dans certaines régions du monde, la tendance est très marquée : l’Asie du Sud-Est et des forêts tropicales d’Amérique du Sud sont passées de puits à sources de CO2 à cause du changement climatique et de la déforestation.
En temps normal, les puits de carbone naturels absorbent environ 50% des émissions. S’ils sont affaiblis, davantage de CO2 reste dans l’atmosphère, ce qui accentue le réchauffement. Les chercheurs ont calculé que 8% de l’augmentation de la concentration de CO2 atmosphérique depuis 1960 est ainsi due à l’affaiblissement des puits terrestres et océaniques par le changement climatique.
En 2023 et 2024, à cause d’un fort épisode El Niño couplé au changement climatique, les puits de carbone terrestres ont eu un rôle particulièrement restreint, mais en 2025, ils devraient «se rétablir» selon les auteurs de l’étude, du moins à court terme, et retrouver un niveau proche de celui de 2022 (environ 11 gigatonnes de CO2 absorbées sur l’année, soit environ un quart des émissions).
« En parallèle, l’humanité doit accentuer la baisse des émissions et sa transition énergétique. Dans son rapport annuel sur les perspectives énergétiques mondiales, publié mercredi 12 novembre, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit que les renouvelables vont continuer à croître rapidement et que, dans un scénario médian la demande de pétrole se stabilisera en 2030, contrairement au gaz, qui poursuivra son ascension à cet horizon. Des prévisions moins optimistes qu’auparavant, qui tablaient sur un pic pour toutes les énergies fossiles durant cette décennie », conclut le journal.
A.Ch.